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« Il faut des centaines d’années à un arbre pour pousser. Et une minute pour l’abattre. »

Le mécanisme de l’auto-sabotage m’a aussi touchée. Quand je repense à certains de mes échecs, je réalise que, si certains ont davantage été des ré-aiguillages salutaires pour corriger une décision prise qui ne me rendait pas heureuse, d’autres ont lancé une véritable torpille au cœur pour ne pas avoir à accepter ce que la vie m’offrait, et affronter des peurs – infondées, comme la plupart d’entre elles. Je pense, par exemple, à l’anorexie qui a miné mon corps, ma vie et mes relations pendant de nombreuses années, même si son mécanisme est bien trop profond et trop complexe pour se réduire à un « simple » auto-sabotage, aussi persistant puisse-t-il être.

Mais ce mécanisme touche énormément de personnes et, plus je m’y penche, plus je constate que ses contours sont contrastés, tant dans leurs formes d’expressions que dans leurs intensités. Son panel est large, partant de la simple désaffection à une dépression profonde, jusqu’à toucher à son paroxysme avec des pulsions suicidaires. L’auto-sabordage fait partie de l’auto-sabotage.

Le plus surprenant reste la masse colossale d’efforts investis pour se nuire. La personne peut déborder d’imagination et employer tous les moyens possibles pour se faire du mal et s’autodétruire, car elle est alors « davantage à la recherche du plaisir dans la douleur, voire du déplaisir » (Catherine Raverdy, psychologue). L’auto-sabotage n’est donc pas toujours l’absence d’énergie, il réside dans la croyance que le futur idéalisé n’est pas raisonnablement accessible dans sa grande globalité, ce qui peut entraîner un état d’esprit pessimiste, voire blasé. Sans la croyance d’un possible, ce possible n’arrivera effectivement jamais et nous mettrons tout en place, d’abord inconsciemment, pour en saboter tout début d’émergence.

L’auto-sabotage se manifeste alors non seulement par une manœuvre d’évitement d’une situation dont le potentiel reste réel (aspect passif), mais aussi par une action visant à détruire toute possibilité qu’une réussite se produise (aspect actif).

J’ai longuement travaillé pour rendre cet article le plus exhaustif possible. Nous verrons donc, dans un premier temps, les types d’auto-sabotage les plus courants, puis leurs causes, et enfin quelques remèdes pour en sortir.

Quels sont alors les différents types d’auto-sabotage les plus courants ?

  1. Nier ses besoins

« Je n’en ai pas besoin. » « Je n’en veux pas. » « Peu importe, je m’en fiche. » « Cela ne m’intéresse pas. » Il faut ici distinguer le cas d’un but qui ne nous intéresse véritablement pas, d’une peur de ne pas être  à la hauteur. L’auto-sabotage se
réalise quand la personne rejette un besoin ou un objectif important pour elle.
Non seulement elle cherche à se protéger elle-même d’un échec, mais elle rejette également l’idée qu’elle doit travailler pour améliorer ses capacités et accéder enfin à une réussite réellement accessible.

« Avoir confiance en vous ne vous garantit pas de réussir, mais ne pas avoir confiance en vous vous garantit d’échouer », nous rappelle Alberto Bandura

2. Être inconstant : vouloir quelque chose un jour, puis ne plus le vouloir demain

Le manque de constance est terrible, tant pour la personne qui s’auto-sabote que pour son entourage. Elle est pourtant l’un des masques les plus portés de l’auto-sabotage. La constance est un muscle de la volonté qui, comme tout muscle, demande un entretien pour se maintenir en forme et se renforcer chaque jour. Le sport mental est donc primordial pour conserver une constance dans ses choix. Jour après jour, un (petit) pas après l’autre, un projet prend forme et se concrétise.  L’abandonner en cours de route est un avortement, vécu comme un échec, et nous amène à nous réduire nous-mêmes.

Mais l’inconsistance garde au moins le mérite d’avoir un but clair et précis : celui de ne pas avoir à juger ni à être jugé sur la chose une fois celle-ci aboutie. Personne ne saura si elle aura été bien faite, ou pas. Mieux encore : chaque jour sera un potentiel nouveau départ pour mieux commencer ladite chose…qui ne verra jamais le jour. Le leurre est de croire que la spécialité de cette manœuvre réside dans l’accomplissement des débuts, alors qu’elle est en réalité bien plus morbide, puisqu’elle intervient spécifiquement pour tuer le projet dans l’œuf.

3. La procrastination : remettre à demain ce que l’on peut faire aujourd’hui

La procrastination consiste, inconsciemment, à (se) faire croire que nous ferons demain quelque chose dont on ne sentira pas à la hauteur des conséquences. Par exemple, nous pouvons ne pas nous sentir à la hauteur de commencer un nouveau job dans une nouvelle entreprise et de nous confronter à une période d’essai…si bien que les envois de CV seront, comme par magie, procrastinés pendant plusieurs mois. La procrastination est alors un mécanisme de défense qui nous donne l’illusion que nous allons ainsi dans la bonne direction, alors qu’en réalité, c’est tout l’inverse qui se produit.

4. Trouver des excuses pour ne pas avoir à assumer ses responsabilités

La personnalité évitante se déploie entièrement dans ce comportement. La personne se persuade qu’elle « ne peut pas », qu’elle « ne sent pas » la situation, parce qu’elle n’aurait pas les facultés adéquates pour y faire face. Cependant, elle a bien la capacité nécessaire pour décider,
agir et accepter les conséquences d’une situation qu’elle aurait librement choisie ou consentie.

Il convient de le mentionner clairement : avoir l’impression de ne pas avoir les facultés adéquates face à une situation n’est qu’une croyance, et elle est loin de signifier que vous êtes incapables de l’affronter.

L’évitement et la confrontation sont des alternatives à chaque situation, et demeurent avant tout un choix. Le choix de la confrontation reste cependant le seul qui nous permet de grandir en tant que personne. Car sans défi, nous n’évoluerons jamais.

Quelles sont les causes de l’auto-sabotage ?

L’auto-sabotage est un serpent qui se mord la queue : puisque je ne me donne pas d’opportunité, je ne me défie pas moi-même et, par voie de conséquence, je ne me développe pas personnellement.

Pourquoi, donc, ne pas vouloir le meilleur pour soi ? L’auto-sabotage prend racine dans l’enfance.

Une vie basée sur l’évitement. Avoir une personnalité évitante (telle que vue dans le point 4 ci-dessus) ne se construit pas du jour au lendemain. Si, au cours de notre enfance, notre adolescence et notre vie de jeune adulte, nous avons toujours choisi de ne pas nous confronter à des situations qui pourraient nous apporter du bonheur (à la condition que nous y investissions un tant soit peu de l’énergie et un travail sur nous-même), il y a de forts risques que ce type de personnalité ait pris ses marques dans notre présent. La prise de conscience de ce pattern est la première étape pour en sortir.

Une faible estime de soi. Il existe un lien étroit entre faible estime de soi et auto-sabotage. Une personne qui doute d’elle-même se coupera l’herbe sous le pied et manquera de belles opportunités pour évoluer et être véritablement heureuse, car elle ne sera pas consciente des ressources dont elle dispose pour y parvenir. Elle pensera ne pas mériter de telles chances, ni même de pouvoir en être à la hauteur. Là encore, l’éducation reçue et les traumatismes de l’enfance ont eu leurs lots d’importance dans cette faible construction identitaire.

Un environnement familial hyper-protecteur.  Evoluer dans un environnement familial qui nous met excessivement en garde contre les « dangers » de ce monde donne à notre cerveau des messages à fortes connotations négatives sur l’avenir et notre propre potentiel. Le message transmis est alors à double sens : « ma famille m’aime et me protège » d’une part, et « ce monde est trop dur pour moi, tout(e) seul je n’y parviendrai pas car je ne suis pas suffisamment fort(e) », d’autre part. Et ces deux messages sont inséparables. L’effet, une fois parvenu(e) à l’âge adulte, est alors évident : le besoin de ne rien faire qui ait trop d’impact, trop de conséquences, tant qu’il n’aura pas tous les indices qui le conforteront dans un « bon » choix et qui, surtout, seront validés par ses idéaux et proches – sans qu’aucune concession ne soit  possible.

Comment y remédier ?

Pour toutes les raisons que nous avons décrites, l’auto-sabotage génère une sensation constante d’incertitude. C’est un cercle vicieux qui se renouvelle par lui-même, il est donc nécessaire d’en prendre conscience pour le rompre.
Ensuite, concrètement, décidez de vous donner une vraie chance et de mobiliser toute l’énergie nécessaire pour y parvenir. C’est là la clef de la réussite et, au fond, c’est ce que nous faisons tous quand nous désirons véritablement
quelque chose.

Vouloir sortir de ce mécanisme se manifeste par certaines actions fortes,
dont celles-ci :

prenez la responsabilité de ce que vous vivez. Le mot responsabilité a un sens particulier en Gestalt : Perls en avait bien détaillé l’acception, en nous faisant remarquer que ce terme était le fruit d’une contraction de deux mots anglais : response et ability. Autrement dit, la responsability, se traduit littéralement en français comme notre capacité à répondre à une situation donnée.

En effet, si nous posons le postulat que nous sommes responsables de ce que
nous vivons, nous quittons la position de victime et nous nous donnons ainsi la possibilité de redevenir acteurs de nos vies, c’est-à-dire d’agir pour transformer ce qui ne nous convient pas. Nous passons de la position d’objet à la position de sujet.

– couper les loyautés mortifères vis-à-vis d’un parent proche ou éloigné qui pourraient vous ramener invariablement à une sensation d’échec et à un sentiment de culpabilité cuisant. Vous pouvez continuer à l’aimer, mais cessez de vous flagellez.

– dompter votre dialogue intérieur. Reprenez-vous lorsque vos pensées sont négatives et limitantes. Votre potentiel est immense, vous devez ne plus en douter. Si des personnes y sont parvenues, pourquoi pas vous ? Gardez en tête une croyance positive qui vous donne un coup de fouet dans vos moments de doute et répétez là à chaque fois que nécessaire, tel un mantra. Par exemple, se dire que la vie ne nous fait pas porter des poids plus lourds que ce que nos épaules peuvent porter. Ou encore, que chaque jour est un nouveau défi qui s’offre à nous comme une chance à saisir.

– passez à l’action lentement mais sûrement : l’idée est de sortir progressivement de notre zone de confort. Nous sommes une société d’exigence de résultats et de perfection, où tout se consomme et se consomme vite, qui ne tolère pas l’erreur ni que l’on sorte des cases qu’elle a préétablies comme autant de critères de réussite. Libres à nous de créer notre propre voie, et nos propres codes. Mais cela n’est pas simple, car les peurs guettent, et en premier celles de l’échec, de décevoir nos proches, et d’abord de nous décevoir nous-mêmes. Est-ce que le véritable échec – si on considère que cette notion existe, ne serait alors pas de ne pas parvenir à être pleinement heureux, en prenant donc le risque de l’être ?

Cela implique enfin cette dernière action :

redéfinissez votre notion du bonheur. Il passe par des objectifs réalistes et réalisables, des ambitions à court, moyen et long terme, des projets planifiés étape par étape (avec possibilité d’échapper aux prévisions pour faire encore mieux), etc… le tout ponctué de temps pour soi et pour prendre soin de son corps et de sa santé. Le bonheur reste avant tout une question d’équilibre.

N’oubliez pas que ces actions tendent à mieux comprendre l’origine de ce mécanisme de défense qu’est l’auto-sabotage et que, si besoin, l’aide d’un spécialiste ne pourra que vous amener à la comprendre plus rapidement tout en étant accompagné.

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