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Le lien le plus fort et le plus résilient entre deux personnes est forgé par la mise à nu émotionnelle.

Pour les « juifs de Kippour » du monde entier, cette mise à nu émotionnelle est aujourd’hui plus que jamais d’actualité.

Kippour commence dans quelques minutes. Il est la plus importante des fêtes juives –  la seule que je fais, et encore…il m’est difficile de tenir 26 heures sans boire ni manger en évitant un malaise, mon corps a du mal à tenir.

Mais Kippour reste d’abord et avant tout celui de l’introspection de l’année passée, et du repli sur soi.

Parfois, lorsqu’on se tourne sur la dernière année vécue, on peut y voir des émotions fortes, des choix, des renoncements, mais aussi une (re)construction et la naissance d’autres projets qui, malgré les obstacles, s’arment de ténacité pour se dresser plus forts que jamais. Et même si cela peut être vécu comme une période difficile, nous savons bien que ce sont les liens les plus profonds que nous avons avec les personnes que nous aimons qui nous sauvent, voire même celui avec une seule personne, celle avec laquelle le lien émotionnel est le plus solide. Ce sont les liens les plus authentiques qui résistent le mieux aux tentatives extérieures de rendre nos vies moins simples et, au fond, ces liens sont ces seules et rares choses qui ont véritablement de l’importance.

Nous ne sommes pas des êtres rationnels, nous sommes des êtres émotionnels. Nos émotions ne se canalisent pas avec la raison. De même, notre cerveau n’a pas toujours les réflexes logiques les plus adaptés à la vie sociale moderne : le stress qui nous paralyse et nous donne envie de partir au courant, est-il le plus adapté à une vie sociale épanouie ?

Nous le savons donc, la relation à l’autre se tisse véritablement lorsqu’on parvient à vaincre nos peurs et à dépasser nos réflexes de défense pour permettre à l’autre de nous connaître vraiment. Sans armes, sans fard ni masque, dans le dénuement mental le plus parfait. Cela nous procure également une sensation unique et ineffable de liberté, et de soulagement de pouvoir être aimé d’abord pour ce que nous sommes, bien avant pour ce que nous apportons.

Cependant, la mise à nu émotionnelle est loin d’être une œuvre aisée, elle représente un travail de longue haleine et comporte des risques – puisque nous serons vulnérables, mais ces risques seront néanmoins mesurés puisque nous sommes en confiance. Et justement, pour être suffisamment en confiance, il faut encore connaître l’autre. Cela demande du temps, de la force, mais aussi l’envie d’écouter, de ressentir et d’embrasser à la fois ses propres émotions et les émotions de l’autre.  Vu sous cet angle, le terme « connaître » employé dans la bible « Et Adam connut Eve » pour faire référence à l’amour sexuel et à l’intimité, ne semble plus si ordinaire que cela.

Mais la mise à nu émotionnelle commence par soi-même. Il est très important de s’identifier à ce que l’on ressent, de prendre conscience de nos pensées ainsi que de la façon dont on peut vivre nos émotions au service de nos pensées, de les accepter sans en être totalement à leur merci. Il s’agit donc de s’écouter, de connaître notre propre héritage émotionnel, mais aussi d’observer sans complaisance notre corps émotionnel pour percevoir nos envies, nos conflits, nos manques, nos réussites, nos apprentissages, etc. Faire connaissance avec notre fonctionnement émotionnel, c’est aussi adopter une nouvelle philosophie de vie ancrée dans l’acceptation et le respect de soi. Nous devenons alors conscient de ce qui nous meut, nous transcende, nous fait réagir et, dans un second temps, nous pouvons alors retirer ces carapaces, s’en libérer, pour véritablement nous « voir ».

« Le fait d’avoir conscience de nos vulnérabilités émotionnelles ne nous permet pas de les voir disparaître, mais en tout cas, avec une conception plus approfondie de ces dernières implique qu’à chaque fois qu’elles font irruption dans notre vie, on est capable de les identifier et de les contrôler, les empêchant ainsi de noyer nos connections émotionnelles. » (Thomas de Block)

Bien sûr, les conséquences sont prévisibles : en nous mettant à nu, nous serons très probablement amenés à nous tourner vers le passé. Il sera alors important de prendre le temps d’observer ce qui, dans le passé, a pu nous marquer, et de soigner les éventuelles blessures émotionnelles de notre enfance. Faire le deuil de ce qui aurait pu être est souvent la clé de voûte d’un présent serein.

Par ailleurs, un tel travail de connaissance sur soi impliquera une modification de notre dialogue intérieur. Par exemple, le dialogue interne pourra transformer un « cette personne m’a fait du mal, je n’ai pas envie de la revoir » en un « je sais désormais pourquoi je n’ai pas envie de la revoir, je vais simplement rester polie si je suis néanmoins amenée à croiser sa route, et je ne laisserai pas sa faculté de nuisance m’affecter » plus nuancé et moins fermé. Quand on accède à notre fonctionnement émotionnel, on peut alors être plus habile au moment de tisser des liens solides et sains avec ceux qui nous entourent.

Une telle redécouverte de nous-mêmes nous amènera également à être un habile lecteur et interprète des émotions de l’autre mais, pour cela, il nous faudra l’aimer, ouvrir nos yeux et nos sens en bannissant les préjugés et le jugement. Autrement dit, ce qu’il nous faut, c’est une écoute active émotionnelle au travers de tous nos sens sans aucun « mais ».

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