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La-Resilience

« La résilience associe la souffrance au plaisir de triompher » (Boris Cyrulnik)

Le temps qui passe est inexorablement un poids, plus ou moins léger, quoi qu’on y fasse. La mémoire et l’affect se mélangent pour donner au souvenir un goût que seuls nos sens retiennent : âcre comme le remord, amer comme l’amertume ou, au contraire, doux et neutre comme le sentiment serein du devoir accompli, sucré et chaud comme un bonheur que nous avons vécu avec gratitude.

L’enfant est pur et optimiste car sa mémoire est quasi-vierge de tout souvenir.

J’ai souvent souhaité être amnésique. Pour la simple raison que les freins sont inutiles. Amnésique, mais sans revenir en arrière pour autant. Comme si mon corps et mon âme avaient survolé les expériences, les joies et les peines pour venir au final se poser doucement sur un point vierge, neuf, lisse et propre, au beau milieu d’un chemin désert. Sortir vainqueur et vivant, avec l’oubli de ses affres et de ses tourments, n’ayant plus besoin de les revivre, juste conserver une paix et une satisfaction de les avoir vécus, n’est-ce pas là le rêve de tout un chacun ?

La résilience est le fruit de l’acceptation.

Je ne peux pas dire que la résilience rend plus fort, car je connais mes failles et sais combien elles sont nombreuses. Mais justement, la résilience a l’avantage de poser le doigt sur mes failles et de me les montrer pour qu’elles ne provoquent plus ma chute, sans toutefois garantir qu’elles ne me feront plus jamais chuter. Elle me rend la vue sur moi-même, une vue qu’un orgueil, un égo trop imposant avaient su obstruer.

Je ne dis pas que désormais, je serais blasée ou sans espoir parce que j’ai été morcelée. Au contraire, la résilience donne ce sursaut de vie qui permet d’y croire encore, tel ce petit crépitement annonçant la flamme qui jaillit et déchire l’obscurité la plus abyssale.

La résilience est un choix.

La résilience est alors un choix car je l’ai volontairement activée pour aller chercher – quitte à subir une traversée du désert – un bonheur que j’estime mériter. Pourquoi tant d’autres y parviendraient, et pas moi ?

Des auteurs estiment que certains sont naturellement plus résilients que d’autres (B. Cyrulnik), mais concèdent que la nature seule ne peut suffire à donner la force de se relever de tout. La résilience n’est pas inscrite dans les gênes, et les hormones peuvent certes rendre un être plus optimiste ou volontaire mais, pour que cet élan soit inscrit dans la durée et soit réellement salvateur, son mécanisme psychique doit être constitué d’autres éléments que le génome (Ouvrage « La résilience : le réalisme de l’espérance », fruit d’un travail de vingt-six auteurs, paru en 2005 aux Editions Eres)

La résilience a un rouage facile à activer. Il faut juste le connaître.

L’éducation, un passé au minimum protecteur de l’estime de soi, certaines victoires – mêmes petites – sur des défis de la vie et, surtout, l’entourage proche sont les principaux vecteur d’une renaissance véritable.

La dissociation, la représentation de soi dans l’imaginaire, a pour effet de distancer l’affect et de revivre intérieurement une scène marquante sans en être touché. On se voit soi-même vivre, bouger et réagir, comme si on était le personnage principal d’une scène de film, et on peut ainsi la comprendre autrement, avec un autre angle de vue (Freud, « Les mécanismes de défense », 1895).

N’oublions pas que la résilience est la faculté de tirer des enseignements positifs d’évènements douloureux, voire traumatisants. Rien de plus. Nietzsche et son fameux « ce qui ne tue pas rend plus fort » (Crépuscule des Idoles) met la barre haut et nous force inconsciemment à accéder à ce degré d’exigence : soit je deviens plus forte, soit je ne suis pas résiliente. Et donc je ne peux plus avancer. Comme il est facile de se freiner tout seul par ce genre de schèmes que les grands penseurs nous imposent…si l’on peut continuer à avancer avec optimisme malgré un choc émotionnel puissant, on peut s’estimer résilient et être fiers de nous. Inutile de pousser le zèle plus loin pour renaître de ses cendres.

Quels sont les réflexes de l’enfant qui lui permettent de se relever après une chute, ou de sourire après des pleurs ? Observez un enfant courir, jouer, observer, imaginer, concevoir, créer. Pour retrouver la résilience que nous avons naturellement en nous, il nous faut nous reconnecter avec nos mécanismes d’enfant : la rêverie, l’intellectualisation, l’abstraction et, enfin, l’humour.

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