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Nous sommes tous passés par des étapes de vie où nous devions tirer un trait sur le passé, tourner une page et avancer sans regarder derrière soi. Pour un enfant, changer d’école est un deuil, car il lui demande de s’adapter à une nouvelle atmosphère, de nouveaux camarades. Plus le temps passe, moins il pense à l’ancienne école, plus il s’acclimate à la nouvelle. Et le deuil de l’ancienne se fait. Un deuil n’est pas forcément lié à la perte d’un être cher, toute décision importante s’accompagne d’un deuil de l’ancienne situation. Un déménagement est un deuil, car il suppose l’oubli des anciens murs, de l’atmosphère des lieux, des joies, des rires, des pleurs et de toutes ces émotions dont les murs se sont imprégnés. Une séparation est un deuil, elle implique de ne plus s’attacher aux échanges, aux partages, aux sourires, aux voyages, aux joies du temps passé avec l’être que l’on laisse partir. Changer de travail aussi, est un deuil. Changer tout court est un deuil. Un deuil de l’ancien soi au profit du nouveau. Et quand cette nouvelle version de nous-mêmes provoque d’autres changements pour être en cohérence avec elle-même et avec ses valeurs, tout bascule, et c’est à une avalanche de deuils que l’on doit faire face.

Si on se penche deux minutes sur les études faîtes sur le deuil, on verrait des constantes : il y aurait d’abord le choc, puis le déni de la situation, ensuite la colère, la dépression, la résignation et enfin l’acceptation. Je doute qu’il faille obligatoirement passer par autant de couleurs émotionnelles pour enfin accepter la situation. Je suis pour l’économie de l’énergie. Epargnons-nous donc des étapes telles que la colère ou la dépression et, si le choc est quasiment inévitable, choisissons de le limiter pour sauter des étapes et passer directement du choc à l’acceptation. Si si, c’est possible. Il suffit d’y croire. Nous ne sommes pas des superhéros, mais nous sommes quand même bien plus forts que nous le croyons. Accepter, c’est aussi lâcher ce en quoi on a pu croire pour s’investir alors dans un autre possible et s’y engager. Avancer sans se retourner. Assumer et grandir enfin.

Se libérer du passé est justement tout le travail du deuil. Le temps joue alors un rôle important car il dissout les souvenirs et les remplace par des nouveaux, donne une saveur différente au passé et peut apporter une certaine quiétude. Un peu comme des vagues qui viennent progressivement effacer les dessins sur le sable à chaque passage. Même si le dessin est profondément écrit, les vagues finiront toujours par l’effacer. S’il reste une petite marque, elle sera de plus en plus tenue, deviendra insignifiante et pourra même donner le sourire avec le recul. On peut enfin regarder le dessin tel qu’il a été, sans jugement.

Alors certaines personnes peuvent saturer leur emploi du temps pour oublier plus rapidement, enchaîner les relations sans lendemain ou se noyer dans l’alcool pour se rincer le cerveau. Ça peut être efficace, oui, mais je doute que ça le reste sur le long terme si trois étapes primordiales n’ont pas été réalisées, et que les dégâts ne finissent pas par devenir en eux-mêmes un autre deuil à gérer.

Commencer par regarder la réalité en face. La plupart des gens pensent qu’apprendre et changer ne se font pas sans douleur : c’est juste faux. Il n’est pas nécessaire de souffrir pour avoir un déclic, une révélation, comprendre quelque chose et l’assimiler. S’il est vrai qu’on ne fait pas d’omelettes sans casser d’oeuf, je n’ai jamais vu quelqu’un pleurer parce qu’il avait cassé un oeuf. Sauf moi un jour, mais parce que j’avais jeté l’oeuf et gardé la coquille pour faire l’omelette. Bref.
Prendre le temps de réaliser ce qu’une expérience nous a apporté permet déjà un premier recul. Si une émotion forte vient, le plus efficace serait de l’accepter. Pleurer et rire peuvent tous deux libérer, ils sont tous deux une décharge d’énergie. Une catharsis.

Couper le lien. On peut imaginer qu’un lien nous relie à ces souvenirs, on peut même s’amuser à donner une couleur, une résistance, une aspérité à ce lien. Est-ce une corde, un fil, un filament, un cheveu?
Là encore, il peut être utile de prendre son temps, voire même d’adresser des dernières paroles aux souvenirs avant de leur dire au revoir en coupant le lien. Pouvoir avoir la gratitude de les avoir vécus est un pardon qui confère une sérénité sans pareille. Juste dire merci, sans regret, sans amertume. Merci à l’expérience de m’avoir choisie car, sans elle, j’aurais été encore plus petite. Puis, enfin, couper le lien. Avec des ciseaux, un couteau…ou une tronçonneuse.

Regarder vers le futur pour le vivre au présent. J’adore cette étape parce qu’elle me donne l’impression de tricher, de voler au futur ce qu’il me réserve pour le vivre sans attendre davantage.
On « switch » alors deux images : l’image du présent dont on souhaite se débarrasser par celle du futur que l’on voudrait déjà vivre. On commence par visualiser l’image de la situation qui nous pèse. On crée ensuite, à coté, une seconde image de ce qu’on sera une fois la situation dépassée, dans le futur. On travaille cette seconde image pour la rendre la plus attirante possible. Cette image devient ensuite petite, prend une teinte sombre et est placée en bas à droite de la première image. On est alors dans l’impatience de vivre cette petite image sombre, elle est si belle, elle correspond tellement à ce qu’on voudrait être ou avoir…elle est un idéal que l’on est si près de toucher….et là, en une fraction seconde, la petite image vient vers nous et transperce la première en prenant toute sa place, récupère sa couleur et sa luminosité, aussi rapidement que l’on dit le mot « Switch ». Et on répète ce lancer d’images intérieur jusqu’au moment où on n’arrive plus à voir la première. On finit alors par vivre dans la peau de celui que l’on voudrait être dans le futur, mais sans attendre le futur. On est soi-même, en mieux.

Une fois ces trois étapes réalisées, le calme intérieur revient et le présent retrouve sa saveur. Le passé appartient à un autre monde, à une autre personne que celle que nous sommes aujourd’hui.

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