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« In the right light, at the right time, everything is extraordinary. »
Aaron Rose

Juste s’émerveiller. Savourer les choses les plus simples. Laisser les choses s’éclairer plutôt que de vouloir les expliquer.

Tout le monde sait le faire car nous avons tous été des enfants. Nous avons tous voulu, aux premiers instants de notre vie, sentir, toucher, saisir l’insecte ou la fleur, la barbe du père ou le jouet de la soeur, le tissu des vêtements…une odeur, une lumière, et c’est des yeux qui s’écarquillent, des mains qui battent l’air pour agripper l’instant. La joie la plus simple, la plus pure, celle de respirer. Celle de vivre.

En grandissant, l’ex-bébé oublie ce qu’est respirer. Il vit tellement vite qu’il ne s’aperçoit plus qu’il vit. Les souvenirs commencent à prendre tellement de place qu’ils décident de la teinte à donner au présent, l’occultant presque. Et demain est un autre aujourd’hui, en plus vieux. Et c’est tout.

Alors le vieux bébé prend le train Paris-Londres tôt le matin pour une réunion importante, négocie âprement des contrats, joue avec les chiffres et les lois. Mais ne remarque pas que le London Bridge a des teintes grisâtres luisantes dans la rosée de l’aube, que la salle de réunion au dix-huitième étage de la tour offre une vue panoramique à couper le souffle, que le brouillard donne des allures hitchcockiennes à la ville qui s’éveille.

« L’émerveillement est une faculté poétique qui se décide« , déclare le philosophe Bertrand Vergely. Lui qui donne des conférences autour de la souffrance et de la mort semble en connaître un rayon en matière d’émerveillement. Mais si des expériences aussi extrêmes tendent effectivement à nous reconnecter à l’essentiel, je doute qu’il faille absolument les vivre pour retrouver notre faculté d’émerveillement.

Garder son âme d’enfant est uniquement ce dont nous avons besoin pour conserver notre capacité d’émerveillement intacte. Mais âme d’enfant ne signifie pas naïveté. Un enfant n’a pratiquement pas de passé…ce qui fait qu’il vit dans l’instant présent. Notre capacité à être heureux dépend donc de notre faculté à oublier le passé. Si nous pouvons nous lever demain en oubliant hier, alors notre regard sera neuf et nous pourrons de nouveau nous émerveiller. Paradoxalement, couper le lien du passé nous renoue avec celui de notre âme d’enfant.

Un enfant n’a pas de préjugés. Il est un formidable observateur qui est capable de repérer tous les travers d’un adulte en très peu de temps et qui s’en amuse ! Il est libre dans sa manière de percevoir les choses et est centré sur tout ce qui se passe là, tout de suite. Il laisse ses sensations s’exprimer en lui et ne les brime pas. Un enfant n’a même pas conscience de s’émerveiller car l’émerveillement est son unique façon de vivre. Et il ne conçoit pas qu’on ne puisse pas s’émerveiller. Au delà d’un besoin, au delà même d’une évidence : l’émerveillement reste juste une façon d’être au monde.

L’émerveillement est donc tout ce qu’il y a de plus simple : ne pas penser, ne rien faire et être juste attentif à la façon dont les choses nous touchent. Quelque part, c’est une vibration de l’âme, un déploiement des sens, et non une démarche intellectuelle. C’est pouvoir se rappeler à chaque instant que respirer est un plaisir.

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