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Salomon

« Donne à ton serviteur un coeur intelligent pour juger ton peuple, pour discerner entre le bien et le mal » (Salomon à l’Eternel, Livre des Rois)

L’instant est le miroir de l’éternité dans un monde soumis au devenir. Nous savons que tout est relatif, rien n’est figé, tout évolue. Alors, pour combattre sa mortalité et survivre encore, le vivant cherche à laisser une trace, la sienne. Que ce soit en créant, en partageant, en se battant pour changer son monde ou, plus couramment, en perpétuant ses gènes, il reste mû par cet instinct de conservation qui le dépasse.

Sans pour autant en avoir conscience, la pulsion de vie a pour essence de se battre contre la fin en cherchant une réminiscence au-delà du laps de temps qui lui a été accordé. Pour, surtout, faire en sorte que ce laps n’ait pas servi à rien. Comme si, au fond, l’oubli et le néant étaient pires que la mort elle-même.

Etre témoin des ravages d’une évolution qui nous touche et que l’on ne maîtrise pas peut générer une secousse digne des angoisses les plus profondes. Comment, à notre échelle, agir pour éviter un pire qui se profile de plus en plus chaque jour ? Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? Est-ce vraiment un cadeau qui leur est fait, à notre époque, de leur donner la vie ?

Peut-être, oui, j’ose encore y croire. Mais, comme beaucoup d’entre nous, je cherche comment continuer d’y croire.

Des échanges riches en connaissances et en humanité m’ont conduite aux constats qui suivent.

Allier la rigueur de la raison à la force des émotions peut générer un mouvement vecteur de grandes évolutions. Lorsque, dans l’Ancien Testament, Dieu apparut dans le rêve de Salomon pour lui demander son souhait le plus cher, le jeune homme de dix-sept ans se doutait bien que la froide analyse logique pouvait fausser son jugement sans la tonalité humaine indispensable dont sont pourvues les émotions.

Alors, peser les mots peut poser les maux, me dit-on. Oui, mais l’échappatoire reste limité, s’il est solitaire. La force des mots réside surtout dans le doute qu’il peuvent susciter. Leur mission est de secouer les avis, les confronter pour les faire évoluer; éveiller les esprits esseulés dans les murs d’une éducation fermée ou non sensibilisés aux dynamiques qui les entourent. Les mots, les livres, les échanges sont les rouages des actes les plus forts et les plus motivés, de ceux qui fondent une vocation, un idéal. Rien ne vaut ni ne dure sans le pilier d’une connaissance critique toujours remise en cause.

Surtout, il faut croire en la puissance d’une fractale, lorsqu’un pétale se renverse entrainant progressivement tout l’ensemble dans son mouvement, par effet domino. Cette goutte d’eau qui donne une vibration sur plusieurs mètres, c’est d’abord une personne qui ouvre les yeux par un livre ou un échange, puis son entourage, et ensuite l’entourage de son entourage…

…mais, par-delà la connaissance et l’esprit critique, un vide intérieur abyssal reste à combler. Celui d’une solitude inextricable et destructrice, virant à la misanthropie et, aussi, au sectarisme, seul « remède » accessible mais illusoire à ce gouffre, qui tend les bras pour offrir cette sensation d’appartenir enfin à un clan, un groupe, une famille. Une pseudo-religion, un mouvement de pensée qui s’arroge le droit de donner à ces errants une identité, souvent au prix de leur vie.

La foi, par le sentiment d’appartenance qu’elle confère, a un pouvoir surpuissant, bien supérieur à la raison. Une foi de cette nature vient combler un manque identitaire creusé dès l’enfance.
L’éducation est alors la clef de voute pour un nouvel engrenage salvateur, c’est avec elle que l’enfant, puis l’adulte, se construit et solidifie son identité. Seule l’éducation peut combler ce vide identitaire avant qu’il ne se creuse, seule l’éducation peut donner des valeurs humaines solides, bases de toute avancée dans l’alterité et le respect . Toucher dès aujourd’hui les jeunes, les parents ou ceux qui le seront bientôt, c’est garantir à nos enfants un avenir dans la sécurité.
L’effet-fractale se produira alors. Les émotions, la rage qui consume tous les camps, seront en totale alliance avec une lucidité implacable et guideront, tel un fil d’Ariane, nos enfants dans les zones d’ombre.

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