Sélectionner une page

« le manque est une douleur physique, une accélération cruelle de la mémoire, l’effroi d’avoir à soulever l’avenir » Yves Simon, Les Eternelles.

Rien ne peut remplacer l’objet du manque. On pourra toujours trouver quelques similitudes dans les gestes, les réactions, les regards des personnes que l’on côtoie, rien ne parviendra à donner cette sensation unique et tenace que l’on ressent face à celui qui éveille en nous le désir simple et torturant qu’il ne parte jamais.

Le manque confère à son objet un pouvoir unique : celui d’accélérer le présent en sa présence, de le ralentir en son absence. Celui de nous faire craindre, pour la première fois de notre existence, l’avenir comme jamais. Celui de se découvrir vulnérable, et d’aimer cette sensation autant que de la redouter : nous ne sommes jamais autant vivants que lorsque nous vibrons par le manque…à condition toutefois qu’il soit vite assouvi et nous apporte la délivrance que l’on attend. Sinon, il peut générer une brûlure psychique digne des fers les plus rouges, si on le laisse faire.

Bien sûr, le manque n’est jamais vraiment agréable car il implique une dépendance.  Et pourtant, combien donnerons-nous pour pouvoir le ressentir le plus intensément possible ! Car il présuppose beaucoup, et promet encore plus. Il reste une émotion particulière, difficilement gérable car toujours inédite : le manque est unique par nature, il se colore des teintes de son objet et prend son essor à l’évocation de tout ce qui ramène à lui.  Toujours présent, lancinant, il enrichit notre univers pour lui ajouter une dimension nouvelle. Il nous amène à percevoir le monde à travers le prisme du regard de l’être qui nous manque.

Le manque nous apprend beaucoup sur nous-mêmes. Peu de choses, peu de personnes ont cette faculté de nous saisir aux tripes et au cœur pour ne pouvoir s’en détacher sans prendre avec elles une partie précieuse de nous-mêmes. Qu’ont-elles donc de si singulier pour que nous acceptons un tel lien? Viennent-elles nous compléter, éclaircir un doute, répondre à une question existentielle, nous donner un élan, assouvir un besoin, combler un manque?…

Dans tous les cas, face au manque, une seule solution : se rassurer. Donc respirer, et savourer. Notre cœur bat différemment, sous son emprise, n’est-ce pas ? Tout va bien et, de toute façon, nous ne pouvons rien faire de plus et de mieux que ce que nous faisons déjà : être nous-mêmes.

Spread the love