Sélectionner une page

wpid-20140527_1225462.jpg.jpeg

Ce midi, à mon Starbucks favori.
C’est dingue comme les scènes les plus anodines peuvent prendre des allures incroyables dès qu’on les observe de près. En plus, j’étais aux premières loges.

Un couple s’installe à la table près de la mienne à la seconde où je raccroche d’une discussion houleuse. Au début, je ne prête guère attention au couple. Je contiens difficilement l’irritation que cette conversation téléphonique a encore laissée en moi, et tente de retrouver mon calme.  Ne pas assommer d’un regard la fille qui vient de s’installer à ma diagonale. Plonger mon nez dans la tasse à café pour me cacher. Gérer mon humeur de bouledogue en respirant. Bien. Bon.
Alors que je me penche sur mon sac pour y fourrer mon téléphone, je remarque dans mon champ de vision que la fille ajuste les plis de sa jupe, les yeux larmoyants et la mine déconfite. Sur le coup, je ne comprends pas. Je ne l’ai pas regardée, pourtant. Puis j’entends l’homme parler et je saisis enfin. Le type lui annonce tout simplement que leur relation s’arrête là et, apparemment, elle ne s’y attendait vraiment pas.

Elle s’accroche désespérément, oublie sa dignité, va jusqu’aux supplications pour avoir un sursis. Maintenant, je ne me gêne plus pour la regarder avec désarroi et incrédulité. Juste ciel. Quel massacre.
Ce n’est pas tant son futur-ex qui la détruit par la rupture, c’est elle qui s’autodétruit en choisissant de la vivre si mal. Elle lui dit qu’elle l’aime, qu’elle n’imagine pas la vie sans lui, qu’elle ne comprend pas. Lui s’impatiente de plus en plus, commence à choisir des termes durs voire cassants. Moins elle se respecte, moins il la respecte. A un moment, elle se met à suffoquer et à chercher convulsivement un mouchoir dans son sac…une main se tend alors vers elle et lui donne le mouchoir qu’elle recherche.
« Merci » me dit-elle.
Je lui réponds d’un pauvre sourire.
L’homme se tourne vers moi, semble soudain s’apercevoir de ma présence. Silence. Au bout de quelques longues secondes, il choisit de mordre dans son sandwich, l’air renfrogné. La fille se focalise à nouveau sur lui, mon mouchoir épongeant régulièrement ses yeux, et lui répète qu’elle l’aime avec un air de chien battu. Là, c’est moi qui finis par ne plus tenir, je brûle de lui dire : « Non, bougre d’idiote, tu ne l’aimes pas. Si tu l’aimais, tu ne serais pas dans cet état là. Tu confonds amour et dépendance affective. » Alors, pour ne pas lâcher mon venin,  je reprends mon humeur de bouledogue, me lève en un bond et fais tomber mon sac à ses pieds. Là, c’est elle qui m’aide à ramasser clefs, portable, mouchoir….et une mini peluche en porte-clef. Je me sens rougir en redécouvrant ma peluche,  honteuse, avec la soudaine envie de la faire voltiger par la fenêtre. Oui, j’ai une peluche dans mon sac, qu’une amie Suisse m’a offert il y a quelques semaines. Je ne savais pas trop à quoi elle pouvait servir…jusqu’à maintenant. Après la surprise, la fille a un sourire qui détonne. Je la vois s’attendrir et il me vient alors une idée : j’en profite pour inventer une histoire autour de cette peluche. L’histoire d’un lapin qui se sentait seul et abandonné, mais qui savait bien qu’il ne l’était pas vraiment car il lui suffisait juste de regarder autour de lui pour s’apercevoir qu’il était entouré de plein d’autres lapins merveilleux, et il n’avait pas encore conscience qu’il était un lapin doté de superpouvoirs….je continue ainsi et remarque qu’elle reprend des couleurs.
Cinq minutes plus tard, ils partent. Mais elle ne pleure plus et un petit sourire relève la commissure de ses lèvres.
Finalement, je l’aime beaucoup, ce lapin.

 

Spread the love