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They support the sky

« Le moi n’est pas maître dans sa propre maison » (Freud)

Il me semble important d’approfondir ces deux notions essentielles à notre équilibre psychique, tant elles peuvent être vectrices de décisions parfois clivantes, pour soi comme pour l’autre.

Commençons par le surmoi. Il est, nous le savons, l’un des trois piliers mis en exergue par Freud, avec le « ça » (le centre des pulsions primaires), et le « moi » (l’affirmation de ce que nous sommes).

Le surmoi est le juge. Il donne des ordres, régit la morale, maîtrise les pulsions et dicte au moi quoi faire, quand le faire et comment le faire. Selon que le surmoi est plus ou moins développé, l’être a une capacité plus ou moins forte à maîtriser ses choix pour les rendre plus conformes à ce qu’il attend de lui-même, sans culpabilité, sans questionnements et en ayant le sentiment du devoir accompli.

Mais, si le surmoi est trop puissant, l’être peut devenir rigoriste, se couper d’une chance et limiter son champ des possibles. En d’autres termes, si le surmoi régule notre environnement, il peut aussi être à l’origine de décisions néfastes et de grands gâchis s’il est surpuissant.

Le « je » est l’expression de ce que nous sommes, il est l’égo. Il est le « moi » de la psychanalyse – et non le surmoi. Le « je » se construit à partir de ce que nous tirons de nos expériences, de nos ressentis, des sensations que l’on éprouve et de l’intuition. Il est la sphère sensible, palpitante et vivante, jugulée à la fois par les pulsions (le ça) et par la morale (le surmoi). Idéalement, le curseur du « je » doit se trouver entre les deux autres instances pour trouver l’équilibre, sans trop donner d’importance ni à l’une, ni à l’autre. Ainsi, il aménage les pulsions en prenant compte du réel et juge si la morale doit s’appliquer, ou pas. Le « je » sait que, pour qu’un principe puisse garder sa force et sa raison d’être, parfois, des circonstances peuvent justifier une exception à son exécution.

Lorsque le « surmoi » est fort au point de se fondre avec le « je », la nécessité de respecter ses valeurs morales est telle qu’elle régit toutes les décisions de vie et, si on ose s’y détourner d’un iota, on aura de réelles difficultés à se regarder dans le miroir, quand bien même nous n’aurions fait aucun mal. La tendance à la culpabilisation – sentiment puissant d’avoir fait quelque chose qu’on n’aurait pas dû faire, est omniprésente. Le piège de ce surmoi sur-développé est alors de confondre la « règle » et le « principe ». Le principe reste la boussole qui oriente nos décisions pour maintenir une hygiène mentale. Mais, si le principe est indispensable, il ne dédouane surtout pas l’homme de réfléchir aux détails que forment chaque situation. L’homme doit rester maître de son destin et ne pas se cacher derrière un principe pour justifier tel ou tel acte quand il devrait trouver en lui la sagesse au delà de la rigueur du surmoi. Il sera toujours responsable, un jour ou l’autre, d’une façon ou d’une autre, de ne pas avoir su réellement trancher dans le vif du surmoi.

D’autre part, l’essence du surmoi est d’évoluer. Il est dynamique, car il interagit en permanence avec l’environnement extérieur. Il confronte les acquis de l’éducation aux nouvelles opportunités de l’environnement et, en fonction des enjeux, peut sous-peser le plus important et lâcher des digues. Le surmoi se nourrit alors d’identifications successives et complètement inconscientes à des êtres que nous admirons, idéalisons, aimons : un ami, un professeur de piano, de philosophie, un oncle, un nouvel amour…nous nous imprégnons de leurs traits et, ainsi, nous nous approprions aussi leurs limites. Le surmoi « évolué » influe alors d’une autre façon sur le « je ».

Enfin, n’oublions pas que le surmoi n’a pas toujours raison. Il peut être cruel et intimer l’ordre d’échouer, sous prétexte d’une raison morale érigée à la sacralisation, ou parce qu’il trouve une satisfaction inconsciente à l’échec et à la solitude. Cela peut être le cas, par exemple, lorsque le surmoi construit un idéal amoureux trop éloigné de la réalité ou trop difficile à atteindre, ce qui entraine des échecs à répétition, frustration, jalousie…sans compter la perte d’estime de soi, ou la dévalorisation de soi. C’est également le cas lorsque le surmoi pousse à rompre pour s’assurer de la sauvegarde d’un principe édifié en loi morale. Cela va dans le sens contraire de l’équilibre psychique de l’individu, car l’être humain a besoin de s’enraciner, d’aimer et d’être aimé. Là encore, le surmoi étouffe le « je », jusqu’à lui être délétère.

Le véritable rôle du « je » serait alors d’être également le « juge du juge ». De juger le surmoi pour déterminer les fois où il mérite d’être écouté, des autres où il faudrait accorder plus de nuance dans l’exécution de ses principes.

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