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Nous savons que la faim n’est pas seulement une manifestation de notre corps à un besoin en glycémie. A côté de ce besoin vital, nous sommes animés par d’autres motivations que la seule survie : la nourriture sollicite tous nos sens, provoque le désir, l’attirance pour un aliment plutôt qu’un autre, ainsi que le plaisir de manger.

Rien qu’en regardant une gâteau ou en lisant une recette de cuisine, nous salivons et pouvons sécréter de l’insuline. C’est la faim des yeux. Celle du nez pourra se déclencher à l’odeur alléchante du pain chaud de la boulangerie. Là, on est loin de la survie.

La faim peut aussi être celle du cœur, lorsqu’elle crée un lien à nos souvenirs et à nos émotions : cela peut être le chocolat chaud ou les tartines beurrées par maman au petit déjeuner, ou la confiture de cerises cueillies dans le jardin avec mamie les journées d’été. La faim du cœur est alors un ancrage, un pont affectif reliant au goût du passé. Cette faim est pernicieuse : elle pousse moins à manger pour le goût des aliments que pour les sensations de chaleur, d’amour et de protection qu’ils procurent. Heureusement, la plupart d’entre nous perçoivent nettement le goût de ce qu’ils mangent, sont à l’aise avec leur alimentation et leur corps. Mais certains mangent pour combler un vide, se rassurer ; tandis que d’autres, au contraire, ont des difficultés à manger sans culpabiliser.

Dès lors, comment retrouver le goût des aliments ? Manger, quelque part, c’est vivre et accepter de vivre. Le but est donc ici juste de se reconnecter à l’essentiel et de se redécouvrir gourmand(e).

Prendre le temps de savourer chaque aliment, s’en délecter. Le temps peut être un allié si nous l’acceptons comme tel : chaque seconde consacrée à distiller toutes les saveurs d’un aliment, en percevoir toutes les subtilités, accroît davantage la sensation de plaisir en mangeant. La qualité vient alors primer sur le reste, la délectation peut émerger et ajoute une saveur particulière, tamisant l’instinct primaire de manger pour juste survivre. Nous prenons alors conscience que notre corps existe, et qu’il a son mot à dire. Le corps devient véritablement réel, il récupère toute sa dimension et acquiert enfin la place qu’il lui revient.

Varier les plaisirs…donc manger de tout, se laisser surprendre. Le goût d’un aliment provient d’une combinaison subtile entre le goût et l’odorat. Lorsque l’on est enrhumé les aliments nous paraissent « sans goût », démontrant bien le rôle essentiel de ce sens. Cependant le goût et l’odorat ne sont pas les seuls paramètres à prendre en compte, d’autres éléments comme la température de l’aliment, sa texture et même son aspect vont aussi jouer un rôle essentiel. L’humain est capable d’identifier environ 20 000 odeurs avec des intensités différentes et possède environ 10 000 papilles gustatives réparties sur la langue. Il suffit donc juste d’imaginer le nombre mirobolant de combinaisons possibles, pour vouloir découvrir autant de variétés de goûts!

Etendre sa curiosité … en faisant soi-même la cuisine. Les pâtes à l’italienne, avec leur sauce tomate épaisse et leur goût al dente ; les gâteaux au chocolat avec le chocolat coulant à l’intérieur…c’est un jeu à la recherche de sens, de possibles, de goûts et de couleurs. L’émerveillement vient vite quand la chantilly naît, juste en faisant monter des blancs d’œufs en neige avec du sucre. Mais si la cuisine est un art, encore faut-il s’armer de patience et de persévérance pour pouvoir lui faire honneur. Vendredi soir, j’ai fait un gâteau, et il était bien plus compact que du béton armé. Mais je reste confiante : la prochaine fois, je lirai la recette.

S’autoriser quelques caprices. En général, en terme d’alimentation, caprice et culpabilité vont de pair. S’il est facile de céder à un caprice, voire de le négocier, la culpabilité, elle, est plus revêche. La culpabilité peut avoir un effet coupe-faim sur plusieurs jours. Du coup, pour un morceau de gâteau englouti, le reste de la semaine sera parsemé de salades. Génial. A regretter de l’avoir mangé, ce fichu gâteau. L’idée serait alors de reformater nos croyances sur les aliments, les associer à d’autres idées et émotions pour créer un comportement alimentaire qui nous sied mieux.
Tout est une question de croyance…si, par exemple, l’on croit que ce qui fait grossir est automatiquement un « aliment interdit », nous serons paradoxalement tentés par ces aliments interdits. Mettre en place un interdit est contre-productif, la plupart du temps, sauf si notre but est justement de l’enfreindre : la frustration est l’un des meilleurs moyens d’attiser la curiosité et l’attirance pour un objet. Modifier nos croyances, en créer des nouvelles, comme « ce qui fait grossir, c’est juste abuser de l’aliment », démystifiera l’aliment en question. Et le caprice sera d’autant plus savoureux qu’il ne sera pas entaché d’une culpabilité sous-jacente.

Savoir doser. Donc manger à sa faim, ni plus, ni moins. La loi du « tout ou rien » peut mener la vie dure. Finir totalement son assiette, manger copieusement le matin, être au régime drastique le lendemain…ce comportement d’ingestion peut alors correspondre à un besoin psychique de type rituel déculpabilisant « manger-jeûner ». Les rituels ont une importance réelle sur notre équilibre, c’est un constat : par exemple, il nous suffit juste de modifier légèrement l’ordre dans lequel nous nous préparons le matin pour en être considérablement gêné. Les rituels nous donnent une structure et sont présents dans toutes nos sphères de vie. Plutôt que de rester passifs, on pourrait donc décider d’en créer nous-mêmes et, en ce qui concerne l’alimentation, se poser le temps de manger, écouter sa sensation de satiété, manger à heures fixes. L’équilibre est alors un moyen de mieux savourer.

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