Je poursuis le partage d’extraits de mon prochain roman « L’Ombre de Toi ». Vous pouvez bien sûr continuer à me faire part de vos réactions sur julia.charel@gmail.com ou directement ici pour que je puisse connaître vos impressions. Le narrateur est ici masculin.
J’aurais tellement voulu le lui dire. Lui expliquer. Juste pour me délivrer et enfin partager. Mais c’était impossible.
Le souvenir d’Anna me hantait tellement que je n’arrivais plus à dormir d’un sommeil profond et régénérateur. Ce n’est que lorsque le poids de la fatigue devenait trop assommant que je m’écrasais entre deux pensées morbides, puis me réveillais en sursaut, la sueur collant mon t-shirt à la peau, le cœur battant à rompre ma cage thoracique. Sept ans déjà. Et pourtant, son visage pâle était encore là, proche du mien, livide et sans vie. La respiration avait cessé. Il y avait juste une minute encore, sa poitrine se soulevait, elle m’entendait. Maintenant, elle n’était plus. Mais je sais qu’elle me voit encore, de là où elle est. Elle me regarde vivre, évoluer, sourire malgré tout. Elle sent mon cœur battre plus fort quand je regarde celle à qui il a choisi d’appartenir, mais elle sait qu’elle reste la maîtresse de ses lieux. Son fantôme sera toujours ma paralysie. Jamais plus je ne pourrai prendre une femme dans mes bras, l’aimer, ni tenter construire une famille. Parce qu’elle sera toujours là.
Anna, dis-moi, pourrais-tu me pardonner un jour de t’avoir tant fait souffrir ? Déjà à l’époque, je n’étais pas fait pour aimer, et tu le sais. J’ai cru t’aimer, pourtant, et peut-être t’ai-je aimé du plus fort que j’en eu été capable. Mais si notre rupture était pour moi déjà consommée depuis longtemps lorsque je l’ai officiellement constatée, avais-tu honnêtement été surprise de l’apprendre ? Qu’aurais-je dû faire, dû dire, comment aurais-je réduire ta chute et anticiper le marasme dans lequel tu allais mortellement te réfugier ? Me permettras-tu un jour d’être heureux en me libérant de la culpabilité que tu appuies sur mon coeur comme un poignard à chacun de mes souffles ?
Oh, j’ai déjà pourtant fait beaucoup pour me libérer de toi. Tant de voyages, de rencontres et de découvertes pour me reconnecter à la vie et briser la chaîne qui me tire vers ton néant…je suis devenu fou, ivre de douleur au point que plus rien ne vaille vraiment la peine que je me batte, si ce n’est tenter de survivre par-dessus mes forces pour rendre ce monde meilleur et laver mon âme de ton sang.
Je dois donc me taire. Je ne peux faire autrement. Renoncer à elle, à nous, à mon bonheur. Elle, elle doit être heureuse. Elle le sera donc sans moi. Car mon épuration me prendra plus d’une vie.
Très bon texte qui met en exergue le sentiment de culpabilisation qu’une personne, notamment au sein d’un un couple, peut ressentir à la mort de l’être aimé, parce qu’il se sent responsable de cette mort. Souvent, ce sentiment coupable pousse la personne à sacrifier son bonheur toute sa vie durant, sur l’autel de la repentance. Mais ne serait-il pas plus salutaire d’oser vivre son bonheur avec une autre au nom de celui qui a été arraché ou refusé à la disparue ? Agir ainsi serait pour le repentant accepter qu’un pardon puisse être voulu de la part de celle devenue désormais un fantôme hantant chaque jour de sa vie. Oser passer à autre chose serait permettre à ce fantôme d’enfin se libérer de la tourmente dans laquelle le repentant l’a enfermée par ce sentiment profond de culpabilité. Bien souvent, c’est l’amour d’une femme qui peut lui donner la force d’entrevoir une sortie de secours à ce sacrificiel sordide. Vite la suite à lire 😉