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Si je cherchais à le définir le plus simplement possible, je dirais que le dialogue intérieur est juste une discussion avec soi-même. Le dialogue intérieur est quelque chose que nous connaissons tous. Certains même le réduisent à la façon dont nous réagissons à nos pensées : tous nos choix, nos actes et nos mots résultent de décisions prises en amont, elles-mêmes issues d’un débat intérieur. Paradoxalement, la raison l’emporte rarement, l’émotion prend le dessus. Ou alors, si la raison l’emporte, c’est souvent parce que la perspective d’une forte émotion est la carotte qui pousse la décision à écouter la raison.

Carl Jung est l’un des premiers à l’étudier, en particulier dans sa fameuse « Dialectique du moi et de l’inconscient » : « …il faut se cultiver dans l’art de se parler à soi-même, au sein de l’affect, et d’utiliser celui-ci, en tant que cadre de dialogue, comme si l’affect était précisément un interlocuteur qu’il faut laisser se manifester, en faisant abstraction de tout esprit critique. Mais, ceci une fois accompli, l’émotion ayant en quelque sorte jeté son venin, il faut alors consciencieusement soupeser ses dires comme s’il s’agissait d’affirmation énoncées par un être qui nous est proche et cher. Il ne faut d’ailleurs pas s’arrêter en cours de route, les thèses et antithèses devant être confrontées les unes avec les autres jusqu’à ce que la discussion ait engendré la lumière et acheminé le sujet vers une solution satisfaisante. Pour ce qui est de cette dernière, seul le sentiment subjectif pourra en décider. Naturellement, en pareil débat, biaiser avec soi-même et chercher les faux semblants ne nous serviraient à rien. Cette technique […] présuppose une honnêteté et une loyauté pointilleuses à l’adresse de soi-même »

Le dialogue intérieur est donc tout sauf une gentille discussion paisible entre soi et soi-même. S’il suppose dans un premier temps de laisser libre court aux différentes émotions pour qu’elles puissent transmettre leurs messages le plus clairement possible, il implique également la prise de recul sur ces émotions pour pouvoir décider, dans un second temps, laquelle écouter. Et c’est cette dernière phase qui est généralement la plus compliquée, d’autant plus qu’elle peut sembler a priori paradoxale : il s’agit d’analyser objectivement les différentes données subjectives d’une problématique. Ne pas se voiler la face sur nos ressentis, donc. Et agir en conséquence. Une véritable gymnastique mentale.

Le dialogue intérieur est aussi tout sauf inconscient. On a conscience de nos pensées, de nos émotions et des réactions qu’elles entraînent. Et il est quasiment impossible de tenir plusieurs minutes dans un état de silence mental complet, sans la moindre pensée, sauf pour ceux qui sont justement adeptes de ce type de travail mental.

Le dialogue intérieur peut vite virer à un centrage sur soi trop important si on n’a pas conscience de son importance dans notre fonctionnement. Sans devenir pour autant égoïste, il peut mettre des œillères là où leur absence permettrait de s’oublier un peu et de donner de soi-même.

Personnellement, je n’aime pas mon dialogue intérieur. Déjà, parce qu’il est trop bavard. Je dois réinventer en permanence de nouvelles ruses pour rabattre son caquet. Ensuite, parce qu’il m’étouffe. Rien n’est plus prélassant pour moi que le silence, le vrai. Celui qui me laisse spectatrice et réceptrice de tout ce que mes sens m’apportent. Enfin, parce qu’il m’épuise en m’imposant l’arborescence de tous les possibles pour chaque situation. Une pensée en amène alors mille autres et chacune de ces milles autres encore davantage…un véritable tintamarre en continu.

Certains choisissent alors de mettre une forte musique, la télévision ou de discuter avec leur voisin pour faire taire leur dialogue intérieur. D’autres choisissent de croire que le véritable silence existe.

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