Sélectionner une page

Lundi, dans la journée, j’avais commencé à écrire un article devant s’intituler « Eloge de l’imperfection ». Mais lorsque, quelques heures plus tard, je vis Notre-Dame brûler, témoin fidèle de l’Histoire vieux de 850 ans ayant vu des mariages (Henri IV y a épousé Marguerite de Valois), des décisions politiques (on pense aux premiers Etats Généraux du Royaume de France), mais aussi pléthore d’autodafés, de guerres, de massacres, de renaissances…partir en fumée, je n’eus le cœur de pousser le zèle en assumant ce titre.

Si bien que l’idée de renaître de ses cendres refit surface. Et avec elle ses sempiternels lots de doutes et de refus d’admettre que, même si on renaît, ce qui a été ne sera plus. Car là reste la seule imperfection dont on ne pourra jamais totalement s’y résoudre.

Le temps n’est notre allié que lorsqu’il panse nos blessures pour mieux penser à ne plus refaire ce qui les as causées. Hormis donc l’apport indéniable de l’expérience, le temps ne peut être notre allié en ce qu’il demeure cette fatalité à laquelle on ne peut se soustraire : il est par nature changement pour aboutir à la fin d’un cycle et le début d’un autre. C’est pour cette raison qu’il a tendance à faire peur à l’homme, car celui-ci n’est rassuré que dans ce qu’il connaît, donc que dans ce qui est répétitif ou figé. La fameuse zone de confort. Pourtant, nous le savons, « la vie, c’est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre » (Einstein).

Pouvons-nous alors tout faire renaître, tant que la vie vient en donner l’impulsion ? La mort est-elle réellement la seule voie de non-retour ?

Tout ce qui a été peut renaître, mais à certaines conditions.

La réhabilitation de ce qui a été reste une contemplation révérencieuse des cadeaux de l’expérience, mais à condition de faire naître désormais un fruit plus fort et plus mûr. En d’autres termes, reprendre pour reconstruire au lieu de repartir de zéro ailleurs, oui, mais seulement si des indices ont montré que le temps a fait son œuvre. Qu’un travail, en quelque sorte, a été effectué en terme de gain de maturité des « artisans » du projet, de maturation du projet lui-même, et de modification du prisme à travers lequel ce projet sera perçu par les artisans. Alors, le temps ne sera plus synonyme de fatalité mais bien d’allié qui guidera à un meilleur « façonnage » de l’œuvre en construction, quelle que soit sa nature (Notre Dame, mais aussi tout projet personnel, professionnel, amoureux, amical, familial, etc). Une reconstruction vaut donc la peine d’être réalisée à condition que le nouveau cycle soit meilleur que le précédent.

C’est donc uniquement la conjonction de ces conditions qui conditionnera la renaissance. Dans le cas contraire, il vaudra mieux construire une « cathédrale » qui n’aura plus aucun lien avec l’ancienne, voire même dans un ailleurs, partout pourvu que ce ne soit l’endroit de sa destruction, puisque cet endroit aura toujours en lui le manque de ce qui a été. Dans son livre Métamorphoses de l’âme, Carl Gustav Jung démontre avec une acuité rare à quel point l’être humain et le Phénix présentent de nombreuses similitudes. Cette créature de feu emblématique capable de renaître majestueusement de ses cendres symbolise le pouvoir unique de résilience de la psyché humaine, cette capacité inégalable nous permettant de nous renouveler pour devenir des êtres bien plus forts, bien plus courageux et bien plus lumineux. C’était, en essence, un des architectes les plus puissants pour Jung, car dans son feu se trouvaient aussi bien la construction que la destruction, la vie et la mort…

Spread the love