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Il était une fois, une île où tous les sentiments coexistaient. Amour, Bonheur, Joie…tout le monde cohabitait harmonieusement.

Un jour, l’un d’entre eux, le dénommé Orgueil, se mit à manger toutes les réserves de nourriture et grossit, grossit, au point que Bonheur décida de partir. Colère piqua une crise, alors Joie déguerpit à son tour par le premier bateau.

– Reviens, Joie ! Reviens, Bonheur ! s’écria Amour.

Alors Désespoir vint et passa son bras autour d’Amour :

– Je serai ton plus fidèle allié, désormais.

– Non ! cria Amour. Va-t-en ! Oh, Savoir, Sagesse, aidez-moi…

Alors les deux vieillards arrivèrent en s’appuyant sur leurs cannes, claudiquant, et offrirent à Amour un pauvre sourire.

– Science sans conscience n’est que ruine ne l’âme ! dit l’un.

– Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ! dit l’autre.

Savoir et Sagesse montèrent sur une barque et, sous les yeux de l’Amour, s’éloignèrent vers l’horizon.

Orgueil, après avoir tué Colère, Patience et Compréhension, chercha Amour et passa devant lui sans le voir. « Je suis seul, je suis fort, mais oh combien incompris ! » se mit-il à hurler comme à lui-même. « Non, moi je suis là ! » lui répondit Hystérie. « Viens Orgueil, partons d’ici. »

Les deux compères partirent à leur tour. Amour, lui, fut alors seul pour de bon.

Allait-il mourir ici ? Il se sentait si fragile. Tous les sentiments pouvaient lui faire du mal, et le monde extérieur était si dangereux. Mais Amour réalisa qu’il avait beaucoup à donner, et que beaucoup d’autres sentiments avaient besoin de lui. Il devait juste veiller à ne pas partir sur un bateau qui ne lui correspondait pas. Il devait trouver le bateau qui le rendrait plus fort pour pouvoir accueillir la terre ferme.

Un bateau passa. Celui de la Richesse. Amour hésita, puis refusa. Le bateau continua sa route. Un autre bateau vint alors, celui du Regret. « Non, merci », répondit Amour à un Regret larmoyant. Un autre bateau arriva, celui d’Egoïsme. « Vient à moi, tu me serviras ! » entendit Amour. « Non, merci », répéta-t-il.

Il ne savait pas ce qu’il attendait. Il savait juste une chose : quand le bateau qu’il attendait sera là, il le saura.

Alors un vieux bateau passa. Il portait sur lui toutes les couleurs, claires et foncées, fraiches et usées. Il était si vieux que tenir encore sur l’eau semblait tenir du miracle. Mais il avait cette force inaltérable, implacable et irrésistible aux écumes des caprices de la mer.

Amour su que c’était lui. Il monta à bord. Amour apprit beaucoup pendant son voyage, il apprit tellement qu’il fut lui-même transformé lorsqu’il toucha le sol de la terre ferme. Il fut si reconnaissant envers son ami qu’il oublia de lui demander son nom.

Un soir qu’Amour se promena sur le port de la ville, il trouva trois vieillards en pleine discussion, assis sur un banc. Trois amis qu’il connaissait bien. Il alla à leur rencontre et les embrassa chaleureusement.

– Ha ! lui dit Savoir, maintenant tu as compris !

– Oui, désormais tu sais que tout arrive à point à qui sait attendre et sélectionner ! compléta Sagesse, en lui décochant un clin d’œil.

Amour se tourna vers le troisième homme. « Merci de m’avoir tant appris, pendant notre voyage. »

– J’ai toujours été ton ami, j’ai toujours été à tes côtés, mais tu n’as jamais pu me percevoir ainsi avant notre aventure…

– Qui es-tu ?

Sagesse et Savoir sourirent, regardèrent leur ami, qui répondit à Amour :

– Le Temps.

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