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« L’orgueilleux aimera mieux se perdre que de demander son chemin » (Charles Churchill)

Un conseil, si vous croisez la route d’un orgueilleux : laissez-le se perdre et s’il revient vers vous, ne lui tendez pas votre boussole. Proposez-lui de la partager avec vous et trouvez votre chemin à deux. Sinon, faites demi-tour, seul(e). Et retenez : il n’y a pas de bon orgueil. Ça se saurait.

Je suis dans l’Eurostar en partance pour Londres, je discute avec une collègue qui me raconte ses frustrations amoureuses. Elle aime un homme qui, comme tous les orgueilleux, a un orgueil plus fort que l’amour qu’il lui porte. Il a préféré la laisser partir plutôt que d’admettre la force des sentiments qu’il avait pour elle, une force qui l’a surpris et déstabilisé lui même. Comment a-t-il pu laisser une femme susciter en lui un amour si fort et si intense ? C’est inacceptable ! Cette intensité lui a fait peur car il ne la maîtrisait pas et, surtout, elle mettait en danger ce sentiment illusoire qu’il se maîtrisait lui-même. Leur amour pur a alors été réduit à néant par ce surcroît d’orgueil.

Nous l’avons compris et sans doute déjà éprouvé, l’orgueil est le défaut le plus dévastateur, parce qu’il est plus fort que l’amour. Par amour, nous pouvons faire n’importe quoi. Et par orgueil? Nous pouvons faire le pire : saboter l’amour.

Attention à ne pas faire d’amalgame : amour-propre et narcissisme minimum sont nécessaires pour nourrir un égo solide, vecteur d’une estime de soi porteuse. Tout est une question de modération et d’équilibre.

Il ne supporte pas l’idée d’avoir fait une erreur.

Plutôt que de l’admettre, de dire « pardon », « je t’aime », il préfère de loin faire croire qu’il avait de bonnes raisons d’agir ainsi ; qu’au fond, celle qu’il aime ne serait pas tant que ça faite pour lui ; qu’elle n’est en réalité pas son « évidence » ; que oui, elle ferait mieux d’aller voir ailleurs si elle ne le place pas sur un piédestal en toutes circonstances, si elle n’attend pas toute sa vie durant qu’il soit enfin « prêt » ; si elle n’est pas lisse, douce et gentille alors même qu’il met ses nerfs à dure épreuve.

Il veut être le seul à avoir le pouvoir de décision.

Limite autoritaire, il ne supporte pas la discussion. Les décisions sont tranchées et ne virent jamais dans le gris. Si, par mégarde, on le pousse à prendre une décision qu’il rechigne à prendre, soyez assuré(e) que cette décision sera toujours en votre défaveur, même si en la prenant il se tire une balle dans le pied.

L’orgueilleux vit dans le prisme déformé que sa survie sociale passe par cette affirmation exacerbée de lui-même, avec l’illusion que lâcher cette image trop parfaite qu’il recherche chez l’autre – et donc de lui-même à travers l’autre – provoquerait sa chute. La réalité, s’il la rencontre un jour, lui fera découvrir l’inverse : la liberté qui l’attend par la découverte de l’humilité et de l’honnêteté affective lui confèrera un réel pouvoir sur lui-même, limitera le gâchis et lui donnera enfin la véritable confiance en l’autre pour construire en sécurité.
L’orgueil reste avant tout un mélange de narcissisme, d’intolérance et d’immaturité affective. Un réflexe défensif alors que rien ne vient l’attaquer.

Comment sortir de l’impasse de l’orgueil ?

Si l’orgueil fait tant de ravages, c’est avant tout parce qu’il s’ignore. L’orgueilleux n’admettra jamais l’idée qu’il est orgueilleux, jusqu’au jour où, las des déceptions, des douleurs, et de la solitude, il se remette enfin en question. Le plus difficile consistera pour lui à briser le miroir de ce mensonge qu’il s’obstine à protéger, et à réaliser que ce filet de sûreté n’en a jamais été un. Vivre dans le mensonge de l’orgueil ne rend pas plus heureux, surtout quand on construit notre vie et nos choix dans la toile en filigrane qu’il tisse pernicieusement. Une toile dans laquelle on se perdra d’abord soi même (cf. Art « Pouvons nous être heureux quand on se ment à soi même? »).

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