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Les émotions sont l’essence de ce qui nous rend vivant. Pouvoir les vivre à leur juste mesure et connaître l’art de les communiquer sont, à mon sens, l’un des plus beaux défis de l’existence. Parfois, j’ai l’impression qu’une vie ne suffira pas à le relever, mais il me semble qu’il n’est pas nécessaire de savoir où on va pour aller vers quelque chose de grand. Même si nous pouvons être déstabilisés, désorientés et épuisés , tout dans la vie est d’un ordre parfait, que nous le comprenions ou non. Il faut juste un peu de temps pour relier les points.

Je pense que l’une des clés de la santé psychique est d’être toujours en mouvement et en alerte sur nos propres ressentis. De se laisser surprendre par leurs façons de s’exprimer pour observer au plus près ce qui les meut. D’être donc toujours en recherche, ne jamais se reposer sur nos acquis.
Certaines personnes n’essaient pas de gérer ce qu’elles ressentent, soit parce qu’elles ne savent pas qu’elles en sont capables, soit parce qu’elles n’en éprouvent ni l’envie, ni le besoin. D’autres, au contraire, doivent constamment gérer leurs émotions pour ne pas en être submergées. Elles perçoivent la moindre particule émotionnelle au centuple et luttent contre elles-mêmes pour ne pas en être imprégnées au point d’en être ébranlées. Nous sommes tous différents face à nos émotions.

Alors, qu’est-ce que gérer une émotion ? On peut croire que c’est la transformer en une autre lorsqu’elle dérange, ou la couper à la base lorsqu’elle est trop forte. Une telle alternative peut fonctionner un certain moment, jusqu’à même devenir un automatisme…mais annihile le sens de l’émotion. On passe alors à côté de ce que le monde peut nous apporter. On passe à côté de nous-mêmes.

Mais gérer une émotion ne signifie pas pour autant la subir. Il s’agirait plutôt de jouer avec son intensité, comme d’un instrument de musique dont on modulerait le son à notre guise, plus fort dans les instants qui déchaînent, plus doux dans ceux qui chuchotent. Pas question de sombrer dans le sensationnel, ou de théâtraliser. Juste d’apprendre à passer alternativement du ressenti pur à la rationalisation intellectuelle. Mettre des mots sur nos émotions, des pensées sur nos sensations, nous laisser nous en imprégner, et nous en apprivoiser tout doucement.
Le tout est d’écouter le message de l’émotion pour apaiser son intensité ; ensuite d’accepter en nous l’écho du ressenti de l’autre, sans avoir peur qu’il nous submerge.
Certes, un tel cocktail émotionnel n’est pas toujours simple à gérer, surtout au tout début. Pour les plus douillets, crises de larmes et migraines carabinées sont à prévoir. Mais c’est comme toute chose, cela s’apprend.

Après tout, la vie devrait juste être touchée, pas étouffée. Il ne s’agit donc plus de contraindre, de brimer notre sensibilité, mais de lui faire de la place et de l’exprimer au plus juste. Chercher à comprendre ce qui nous arrive, sans se laisser culpabiliser par ceux qui nous accusent d’être trop dans le mental, de trop réfléchir. Se permettre des allers et retours, des voyages entre l’activité de sentir et l’élaboration intellectuelle. Et, surtout, s’y mettre dès maintenant, même si ce n’est qu’un petit pas et que les mots sont toujours plus aisés que l’action : nous avons trop tendance à croire que nous avons plus de temps que nous en avons réellement.

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