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En-plein-tempete--un-phare

« Tu avais prévu pour moi un port, mais tu étais le phare. Tu me montrais le chemin dans la tempête, mais tu ne savais rien de ma destination. »

N’étant moi-même pas mère, je devine qu’un jour peut-être je bondirai en relisant ses lignes, tout comme ma propre mère le fera probablement en les découvrant. Etre (de bons) parents, c’est sans doute tout mettre en œuvre pour donner le maximum de chances à ses enfants d’être le plus heureux possible. Et, si cette intention ne peut qu’être louable, il me semble qu’il est aussi évident que les parents définissent une conception du bonheur pour leur enfant qui leur est toute personnelle, fondée sur leurs propres éducations et expériences et donc, forcément, teintée de leur subjectivité. Rien n’est clairement délimitable, tangible et objectif quand il s’agit de donner le meilleur à sa propre chair tant les enjeux sont importants.

Ce post vise donc uniquement ceux qui sentent une attente importante de leur parents pour que ces derniers soient fiers d’eux. Il existe bien sûr des parents qui laissent leur enfants mener leur vie comme bon leur semblent, du moment qu’ils soient heureux.

L’enfant, même parvenu à l’âge adulte, peut donc sentir le poids incommensurable de la responsabilité de correspondre, autant que possible, à ce que ses parents avaient voulu pour lui. S’il y déroge, s’en écarte ou crée ses propres règles, son sentiment de culpabilité sera proportionnel à la peur de perdre leur amour. Réussir à l’école, puis faire un beau et heureux mariage, être financièrement à l’aise, avoir lui-même des enfants…la réussite tiendrait pour lui dans le fait de cocher les trois fameuses cases : avoir de l’argent, se marier, avoir des enfants. Elles demeurent le gage de maturité par excellence.

Sauf que tout faire pour les cocher alors qu’elles ne lui correspondent pas aura finalement l’effet inverse de celui recherché par ses parents. Il passera à côté de sa vie.

Il est alors indispensable de leur montrer que nous sommes différents de ce qu’ils pensent.

Sans entrer dans le conflit, mais par l’affirmation douce et ferme de ce que nous sommes, par le dialogue sur nos ressentis et la répétition de ce qui fait vraiment sens pour nous. Certains d’entre nous ne sont pas formatés pour répondre avec aisance au cadrage psychique et social qu’implique l’accomplissement de ces trois cases. Le tout est de le dire avec subtilité, et ceci reste un sport bien plus difficile et plus constructif que le conflit.

Peut-être faut-il aussi, en amont, se poser les bonnes questions, et assumer les bonnes réponses – en évitant les leurres qui nous arrangent. Si nous nous sommes, par le passé, fixés tel objectif, si nous avons signé devant le maire, si nous avons tout quitté, si nous avons tout recommencé…que recherchions-nous vraiment ? Qui cherchions-nous à satisfaire réellement ? L’aurions-nous véritablement réalisé si nous avions été affranchis de toutes exigences, plus ou moins conscientes, de correspondre à ces cases pour être à la hauteur de ce que nos parents et la société attendaient de nous, quand bien même cela ne nous seyait pas vraiment ? Pourquoi avions-nous pris tant de détour sur le chemin qui nous mène enfin à nous-mêmes ?

Il est tellement facile de gâcher une vie par des mauvais choix uniquement par l’envie refoulée de tout faire pour être à la hauteur de la « normalité » qu’exige avec puissance l’amour filial. En vérité, ce que nous ignorons souvent, c’est que nos parents ne seront pas forcément déçus de nous si nos voies/voix nous portent ailleurs, mais se sentiront impuissants. Affronter cette peur de les décevoir n’est qu’une chance d’avoir une relation plus profonde avec ses parents. Quitte à les décevoir vraiment.

Il arrive aussi que nous commettions l’erreur de croire que notre peur la plus prégnante serait de décevoir les personnes que nous aimons le plus alors, qu’en réalité, c’est nous décevoir nous-mêmes qui nous traumatiserait. En contrariant les objectifs que nos parents nous ont inculqués et que nous avons épousés, que nous avons fait nôtre au point de totalement les habiter, c’est l’enfant que nous étions que nous décevons en premier. Tout un pan de notre équilibre si soigneusement construit avec amour par nos parents, semble choir. C’est donc avant tout à l’enfant que nous étions que nous devons dire pardon. Et enfin nous libérer.

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