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Je profite d’une petite escale à la Mer Morte pour poser cette réflexion. Le bonheur reste un combat de chaque instant et il peut sembler désespérant de le chercher, puis de l’entretenir pour le garder chaque jour. Le bonheur est-il donc un état de fait immuable, qui s’impose et ne supporte aucune contradiction pour exister, ou est-il le fruit d’une construction personnelle orientant notre regard et nos actions vers ce qu’on croit être le mieux pour nous ? S’il est la seconde hypothèse, le risque de se leurrer et de se faire croire que l’on est sur le bon chemin, quand bien même des signes montrent que nous y sommes pas, est réel. Le biais cognitif – interprétation des faits dans le sens qui nous arrange pour corroborer une certaine acception de la réalité – sera alors le chef d’orchestre de ce bonheur factice.
Penchons-nous y un instant.

1) Le pouvoir de l’illusion

Nous avons tous un prisme déformant qui vient donner une interprétation à un fait non discutable. Ce prisme est le fruit de nos attentes, de nos frustrations, de nos désirs et de nos peurs. Par exemple, si enfant j’ai eu l’habitude d’être rejetée par mes camarades de classe, je peux très facilement penser que l’attitude distante d’une de mes collègues envers moi est un rejet personnel. J’aurais tendance à ne pas prendre compte de sa facilité – ou non – à laisser empiéter sa fatigue sur son sourire, ou ses problèmes personnels sur sa sphère professionnelle. Je ferai abstraction de tout ce qui ne me concerne pas et qui serait pourtant la vraie raison de son problème car, inconsciemment, je n’aurais pas réglé un des miens : gérer le traumatisme du rejet vécu étant enfant.

Le prisme de ma réalité sera donc forcément déformé par ce biais.

Autre exemple : mon compagnon arrive encore en retard alors qu’il sait très bien que je suis ponctuelle. Ayant déjà vécu un passif affectif douloureux avec des hommes qui se fichaient de me faire attendre, je pourrais penser que mon compagnon actuel se fiche également de moi. Or, cela serait sans prendre compte sa difficulté de gérer son temps compte tenu de sa charge importante de travail. Là encore, mon prisme de la réalité sera biaisé par ce qui a été marqué dans mon inconscient, au point effectivement de créer des malentendus, des frustrations et des conflits potentiels.

Note : « je » n’est pas l’auteur. Il est uniquement utilisé à titre d’exemple comme un « on » impersonnel.

Notre passé reflète donc notre perception de la réalité et, par conséquent, a prise sur notre capacité de capter le bonheur lorsqu’il se présentera à nous. Notre présent doit être le plus détaché possible des bribes névrotiques que notre passé a laissé en nous. En d’autres termes, pour ne pas être dans l’illusion et savoir ce qu’il nous faut, il nous faut nous réconcilier avec notre passé et lui pardonner autant que se pardonner à nous-mêmes.

2) La force de la lucidité

Nous sommes tous dignes d’être aimés, mais encore faut-il que nous sachions réellement comment nous aurions besoin de l’être. 

Bien sûr, les expériences aident, mais pas seulement. Ne pas se voiler la face et comprendre que ce n’est pas parce que le temps passe que nous devrions revoir notre copie à la baisse, si tant est qu’elle correspond à ce qu’il nous faut vraiment.

Être lucide, c’est donc d’abord croire en soi, avoir confiance en son potentiel et bien le connaître. La confrontation entre ce potentiel – évalué à sa juste valeur, et les opportunités sera donc plus aisée. À mon sens, les échecs n’en sont pas s’ils induisent une remise en question pour comprendre ce qui a péché chez nous. L’autre a également toujours sa part de responsabilité, mais chacun doit accomplir son propre travail personnel pour évoluer. Nous avons donc, quoi qu’il en soi, toujours une part de responsabilité dans un « échec ». La plupart du temps, c’est parce que notre orgueil nous a aveuglé. L’orgueil nous a fait croire qu’on savait mieux que quiconque ce qu’il nous fallait, que nous ne faisions pas d’erreur, que nous gérions la situation d’une main de maître. L’orgueil, associé à la peur de tout recommencer et du temps qui passe, sont donc les deux véritables maîtres de la situation, créent le leurre, et provoquent alors la pure perte de temps là où on s’efforce à croire que nous sommes dans le bonheur qu’il nous faut. Si on les retire, soudain, on devient lucide autant sur soi que sur ce qu’on vit, et on découvre en soi une réserve d’énergie insoupçonnable, une énergie capable de déplacer l’Himalaya pour enfin obtenir le bonheur que l’on mérite.

3) Et si on osait faire le pas?

Alors, nous l’avons bien compris, on ne peut véritablement être heureux en se mentant à soi même. Tôt ou tard, le pot-aux-roses sera découvert, alors autant le découvrir avant que les conséquences soient plus néfastes.

 Faire le pas passe par le confrontation. Chercher à comprendre par le dialogue, transmettre nos souhaits, ce qui nous a touché, ce que nous aurions aimé vivre à la place et la façon dont nous avons interprété la situation. Si un recadrage s’opère, s’oriente et dure dans une voie que nous définissons véritablement de ‘bonheur’, il y aura alors des chances que nous le touchons du doigt. S’il n’y a pas recadrage ou qu’il ne dure pas, une autre voie/x nous appelera, et n’attendra plus que notre courage.

Faire le pas est donc souvent un double pas : d’abord communication pour exploser le leurre, puis affirmation du choix ou son changement pour laisser place au (vrai) bonheur.

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