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« Le regret est une seconde erreur. » (Raymond Latarjet)

Les regrets arrivent toujours trop tard. C’est bien connu. Lancinants, immortels, ils viennent encore nous tancer là où le temps est venu panser une blessure, où notre cerveau s’est acharné à lisser les aspérités que les douleurs ont pu creuser dans nos souvenirs. Comme un relent acide qui remonte, ne se digère pas. La tentation de vomir le souvenir, de l’arracher de ses tripes est tenace.

Si j’avais su, je l’aurais fait autrement.

Il aurait juste suffi d’une autre réaction, d’une autre impulsion, d’avoir su saisir l’instant pour le transformer en chance. C’est en cela que le regret se distingue du remord, ce sentiment d’avoir mal agi, même si la langue française possède un abus de langage : « je regrette de t’avoir dit ça ».

Le regret nous apprend beaucoup sur nous-mêmes. Il nous signale que nous ne nous sommes pas assez écoutés. Nos besoins n’ont pas été respectés ce jour-là, et les conséquences qui s’en sont suivies ont été dans le sens inverse de nos besoins. C’est un domino qui s’écroule et qui provoque avec lui la chute progressive de tout un édifice de promesses.

Pour moins le subir – à défaut de ne pouvoir l’effacer complètement – le regret doit s’inscrire dans une démarche d’introspection pour mieux nous connaître et accepter ce qui nous touche, pour reconnaître la part de ce qui est en réalité bien plus important pour nous que notre égo veut bien nous laisser croire. On prend conscience qu’une autre option était possible, que si nous en avions eu les tripes, cette option aurait été bien plus galvanisante, plus enrichissante et qu’elle nous aurait portés vers ce que nous recherchons vraiment.

C’est ensuite que nous pouvons entrer dans la phase de repentir. Réparer, chercher à s’expliquer, tenter une seconde chance. Si cela est impossible, se pardonner tout en conservant l’acquis de l’expérience pour ne pas renouveler l’erreur lorsque la situation se présentera à nouveau.

Le regret nous enseigne donc ce qui nous rendrait plus heureux, à condition toutefois de ne pas se laisser embrigader dans la culpabilité qu’il sous-tend. C’est justement cette culpabilité qui rend le regret si douloureux. Gardons à l’esprit que nous sommes déjà différents aujourd’hui que ce que nous étions hier. Nous avons appris, et évolué – dans un sens ou dans l’autre. La personne que nous étions, à ce moment précis, n’existe plus. Et celle que nous avions en face de nous non plus, d’ailleurs. Tout a changé. Nous ne pouvons nous sentir coupables de ne pas avoir su réagir d’une façon que nous ignorions alors, parce que c’est justement cette expérience qui nous a appris à réagir de cette nouvelle façon.

Le but du regret est d’en sortir. Etre en paix avec soi, quoi qu’il arrive. Se dire que nous avons le droit à l’erreur car c’est bien par elle que nous comprenons ce qui nous fait mal, donc ce qui est important pour nous. Sans cette erreur, nous aurions été encore leurrés sur cette partie de nous-mêmes. Demain, nous saurons poser les mots et agir plus en adéquation avec nos besoins et nos émotions. La pudeur des émotions, la peur de se sentir vulnérable, le réflexe de vouloir toujours tout garder sous contrôle, sont souvent la source des plus grands regrets. Maintenant, nous le savons.

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