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« se connaître soi-même sert à régler sa vie » Blaise Pascal

L’image du coureur reste la première qui se déploie dans mon esprit lorsque je repense à ma vie. Il foule le sol sec, poussiéreux et aride du désert, et se dirige vers la mer. Lorsqu’il se retourne, il constate une traversée presqu’irréelle, sinueuse et périlleuse. Le courage flirte souvent avec l’inconscience, se dit-il, car les dangers ne sont jamais évalués à leur juste valeur…Alors, essoufflé, en appui sur ses genoux, il contemple cet autre monde au loin, celui du bleu de l’eau. Il y est presque – du moins, il l’espère. Il n’aura pas la force de recommencer un autre périple, il le sait.

Pourquoi a-t-il couru jusqu’ici ? Que fuyait-il, que recherchait-il ?

Il cherche à se trouver lui-même, pour enfin avoir la place qui lui convient. Il cherche à trouver une cohérence entre ses faiblesses et les défis que la vie lui tend. Mais, avant tout, il cherche à se défaire de ses peurs pour les laisser enfin derrière lui. Et avancer, droit et serein, sans plus courir après des chimères.

Je pense que nous avons tous été dans ce cas, à nous demander ce qui vaut la peine d’être vécu et à tout mobiliser en nous pour tendre le plus possible vers cet objectif. Lorsque l’essoufflement nous guette, il est temps de se poser et de se trouver pour mieux repartir.

Apprendre, encore et toujours, a été pour moi salvateur. Ces derniers mois, je m’orientai vers des domaines dans lesquels j’étais complètement néophyte, et me mis à apprendre des livres entiers, à découvrir la phytothérapie, les minéraux et les graines, ainsi que le yoga. La trame de mon roman en cours de préparation changea complètement, son personnage principal devint soudain plus accessible et plus humain. Je constatai à nouveau que nous ne devons jamais laisser notre cerveau dans sa zone de confort, et toujours le pousser encore plus loin en l’abreuvant de connaissances nouvelles, car c’est par la connaissance que nous prenons du recul.

Être près de l’eau m’apporta la quiétude que je recherchais. Je m’approchai de la mer lorsque le soleil se couchait et que la plage se désertait. Le bruit des vagues n’appartenait alors qu’à moi. Leur fraîcheur m’électrisait, j’humais l’air salé à pleins poumons, comme pour m’abreuver d’une énergie nouvelle et me ramener au présent. Je fis de la méditation de pleine conscience sur le sable, ce qui acheva de m’apaiser complètement. Elle me ramena à ce que je suis, me rappela que le passé était mort, que le futur n’existait pas, et que seul le présent comptait – bien qu’il n’était, quelque part, qu’une illusion.

Puisque nous sommes des microbes à l’échelle de cette planète et que la vie est bien trop courte, tâchons de rendre notre passage le plus agréable possible. Le vide en moi se fit progressivement, à mesure que je contemplai l’horizon, et la pression se relâcha. Rien n’a d’importance, rien n’est éternel, et tout est extrêmement fragile.

Quel est donc le sens de notre existence ? Celui de nous battre en permanence pour obtenir notre essentiel, et nous battre encore pour le conserver ? J’ai lu des livres où les personnages principaux plaquaient tout, amis, famille, travail, femme et enfants, épuisés de ce labeur, pour se réfugier loin de toute exigence humaine. Sans doute leurs auteurs recherchaient dans l’écriture cette jouissance par procuration.

Peut-être que la transmission est le but ultime, songeai-je en regardant une mouette curieuse s’approcher de moi. Donner, avec amour et patience. Grandir par l’abnégation et le don de soi. Lorsque tout devient mécanique et terne, il est évident que l’envie de tout plaquer démange sérieusement.

L’image du coureur de mes pensées évolua. Je l’imaginai maintenant près de l’eau, en train jouer avec la mouette. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Non, rectifiai-je. Le but ultime était de réussir à toujours donner le meilleur de soi tout en n’étant pas trop impacté par le résultat. La mouette s’envola, à la fois dans le monde réel et dans mes songes. Le coureur et moi la regardâmes devenir un point dans l’horizon, puis disparaître. Je me tournais vers lui, le dessinais du regard, le laissant prendre les traits de mon moi inconscient. Désormais, tu ne courras plus, lui dis-je. L’homme imaginaire sourit, puis disparu. J’ouvris alors les yeux, assise en tailleur sur le sable.

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